TIRUERT : Le nouveau levier économique des investisseurs d’IRVE

Dans le secteur des infrastructures de recharge pour véhicules électriques, les levées de fonds ont été très importantes en 2022. L’ensemble des entreprises, et en particulier les start-ups de la transition énergétique, doivent trouver des moyens pour financer leurs projets de développement. L’accès aux crédits devient plus difficile avec la remontée des taux. Dans ce contexte, les banques sont plus exigeantes pour se prémunir de tout risque. Les nouvelles levées de fonds vont devenir de plus en plus rigoureuses et à notre connaissance, seulement deux ou trois investisseurs d’IRVE pourraient réaliser une nouvelle levée cette fin d’année. Les investisseurs vont questionner de plus en plus les modèles économiques, notamment pour savoir si les subventions du capex des stations de recharge vont perdurer ces prochaines années. Suite à la mise en place de la TIRUERT, est-ce que les subventions sur le financement d’infrastructure vont perdurer ? Il est très probable que le Gouvernement revoit prochainement le mode de soutien de la filière.

La TIRUERT pour sécuriser les modèles d’affaires et faciliter les levées de fonds

Les innovations technologiques séduisent toujours, mais ce qui apporte autonomie stratégique et souveraineté en Europe est très demandé. Les énergies renouvelables font partie de ces secteurs qui accèdent assez facilement à des financements, notamment via du private equity, avec des engagements de 5 à 7 ans des investisseurs. Comme elles veulent un retour sur investissement, les entreprises financées doivent construire leur projet pour assurer une valorisation suffisante. Tout apport de revenus doit donc être pris en compte dans les bilans prévisionnels. Dans le domaine des mobilités « vertes », la TIRUERT (taxe incitative relative à l’utilisation des énergies renouvelables dans le transport) offre justement une occasion aux entreprises des IRVE (infrastructures de recharges pour véhicules électriques) et de la distribution d’hydrogène de sécuriser leur modèle d’affaire et donc de faciliter des levées de fonds. En installant des points de recharge dont l’accès est public, et en les alimentant en partie avec de l’énergie d’origine renouvelable, ces entreprises vont en effet générer des certificats renouvelables validés par les pouvoirs publics. Les certificats seront ensuite achetés par les entités redevables de la TIRUERT, c’est-à-dire les opérateurs mettant à la consommation des carburants.

En termes financiers, la TIRUERT apporte un revenu complémentaire de l’ordre de 20% du chiffre d’affaires d’une borne, ce qui signifie surtout que 80% de la marge d’une infrastructure de recharge viendront de la TIRUERT. Ce type d’activité devient ainsi plus attractif pour les investisseurs. Attention néanmoins à ce que le cumul des subventions de l’ADEME et des revenus apportés par la TIRUERT et par les clients de l’IRVE ne génèrent pas un ROI trop attractif pour les infrastructures de recharge. L’État pourrait intervenir pour revoir la copie, comme il l’avait fait il y a une dizaine d’années en baissant sa politique de soutien tarifaire à la filière photovoltaïque.

La TIRUERT, un mécanisme qui va être durable jusqu’en 2030, de quoi rassurer les investisseurs sur le moyen-terme

La TIRUERT est la retranscription de la directive 2018/2001, loi européenne qui définit une trajectoire pour l’Union Européenne en matière d’énergie renouvelable, en particulier dans le transport routier.

Cette dernière doit ainsi être retranscrite par chaque État Membre qui l’adapte au marché national.

Parmi les conditions nécessaires dans le transport routier, une part de l’énergie renouvelable dans le transport doit provenir de sources non biologiques, comme par exemple de l’hydrogène.

Les objectifs sont importants : il faut arriver à introduire 14% d’énergie renouvelable dans le transport, soit environ le double de ce qui a été fait en 2020. Pour atteindre cet objectif,  la prise en compte de l’énergie électrique renouvelable dans le transport est inévitable. Plus une IRVE sera alimentée directement par une installation de production d’électricité renouvelable, plus la prime TIRUERT qu’elle recevra sera élevée, facilitant ainsi son financement. La prime pourra ainsi être multipliée par 4. À titre de comparaison, les biocarburants ont dans le meilleur des cas un multiplicateur de prime égal à 2.

Hausse des fonds accordés aux IRVE

Depuis fin 2021, plus de 2,6 milliards d’euros ont été levés pour renforcer les capacités de développement des entreprises d’IRVE. Sur la seule année passée, entre juillet 2022 et juillet 2023, 1,3 milliard ont été accordés à des entreprises comme Allego, Diveco, Zeplug ou Bump (voir tableau). Les investisseurs participant au tour de table sont autant des fonds privés que des acteurs publics comme la SNCF ou la RATP.

L’analyse de GREENEA montre que les levées de fonds concernent les parcs de points de recharge en courant continu comme en courant alternatif. Néanmoins, ceux en courant continu attirent des financements plus importants, ce qui traduit une confiance forte dans la rentabilité de ces projets de la part des fonds de capital-risque ou de capital-investissement (voir graphe). Cela est en particulier vrai pour les entreprises développant de la recharge rapide en courant continu, comme Allego, Electra, Fastned, Ionity ou NW Groupe. Par ailleurs, même si les montants sont moins importants, des acteurs comme Electric Charging 55 ou Qovoltis ont tiré leur épingle du jeu dans le courant alternatif : étant donné leur ancienneté sur ce marché, les investisseurs leur ont accordé de la crédibilité pour qu’ils aient les moyens de placer leurs solutions technologiques sur le long-terme.

L’engouement des financeurs pour les aménageurs d’IRVE devrait se poursuivre, en particulier s’ils valorisent bien les certificats renouvelables de leurs parcs. Il est aussi nécessaire que les développeurs arrivent à bâtir un modèle économique sain pouvant subsister sans les subventions CAPEX qui un jour ou l’autre seront vouées à disparaitre. En créant une nouvelle ligne de revenus avec ces certificats, ils sécuriseront leur modèle d’affaires et convaincront plus facilement les investisseurs de les aider dans leur développement.